Une lecture compliquée
 
 
Le nombre et la subtilité des allusions à d'autres auteurs complique considérablement la lecture de l'œuvre de Morrison. Il est très difficile de débusquer et de décrypter tous les sous-entendus : la grande culture générale de Morrison, et sa mémoire presque infaillible, densifient énormément les poèmes. Ainsi les deux premiers vers de la chanson Not To Touch The Earth : "Not to touch the earth/Not to see the sun" ("Pour ne pas toucher la terre/Pour ne pas voir le soleil") proviennent de la table des matières du Golden Bough (le "Rameau d'or") de James George Frazer.
 
À de nombreux égards également (en particulier par les thèmes de l'avortement et de la stérilité), le long poème The New Creatures peut se lire comme une réécriture du célèbre Wasteland de T.S. Eliot[réf. nécessaire]. Les principales réflexions philosophiques que le cinéma inspire à Morrison dans le recueil The Lords l'amènent à reconsidérer la fameuse Allégorie de la Caverne (au début du livre VII de la République de Platon), pour en renverser le propos : le cinéma serait une "caverne" moderne où les contemporains de Morrison voudraient s'enfermer, s'enchaîner, dans une tentative éperdue de fuir un réel trop douloureux[réf. nécessaire].
 
Il convient de ne pas minimiser l'érudition de Morrison, ni les échos profonds qu'il accorde à la culture occidentale dans son ensemble - y compris aux arts et traditions populaires comme les arts divinatoires, les jeux de cartes, les contes et légendes, ou encore aux traditions ésotériques comme la sorcellerie ou l'alchimie.
 
Aborder Morrison dans un esprit "baba cool" selon lequel la beauté d'un poème viendrait de sa "spontanéité" ou de sa "sincérité" mène à l'incompréhension. Morrison n'écrit qu'exceptionnellement sous le coup de "l'inspiration"[réf. nécessaire], et il traite ces textes "spontanés" comme une première ébauche destinés à évaluation critique, modification, amélioration, mise en perspective. Tous les poèmes de Morrison relèvent d'un dispositif minutieux : chaque caractère trouve une place soigneusement calculée par rapport à tous les autres[réf. nécessaire]. Cette place n'est d'ailleurs retenue que "en attente de mieux" (ainsi le remarquable Celebration Of The Lizard connut-il une genèse d'au moins trois ans, les premières esquisses datant de 1965 et le texte définitif n'étant publié qu'en 1968 à l'intérieur de la pochette de l'album Waiting For The Sun) - d'où le très faible nombre de textes publiés du vivant de l'auteur, qui n'était vraisemblablement jamais satisfait de ses propres productions
 
Une lecture compliquée nécessitant une très bonne culture générale