Les très nombreuses attaques verbales de Morrison contre la force policière, son engagement pacifiste, son affection pour la mystique et la culture amérindienne, son rejet catégorique de la morale puritaine et des valeurs wasp caractéristiques de son milieu familial, son appel systématique à la libération radicale, sans parler de ses comportements turbulents, incitent fortement à rattacher Morrison au mouvement anarchiste et plus précisément à une tendance qui préfère la sensibilisation des masses par la production d'œuvres culturelles.
Cependant Morrison rejette catégoriquement l'égalitarisme qui occupe le cœur de la vulgate anarchiste. Pour Morrison, les différences physiques, intellectuelles et morales entre les indivde l'élite intellectuelle et il remarque, dans Wilderness : "People need Connectors/Writers, heroes, stars,/leaders/To give life form" ("Les gens ont besoin de Connecteurs/Écrivains, héros, stars,/meneurs/Pour donner un sens à la vie").
Or Morrison a pu croire, en 1965, que le mouvement hippie lui offrait l'occasion rêvée de devenir un tel leader susceptible de remanier profondément les valeurs américaines contre lesquelles il se révoltait. C'est seulement dans un second temps, en particulier après le concert de New Haven en décembre 1967, que Morrison s'est aperçu qidus relèvent de l'évidence, et il faudrait une bonne dose de mauvaise foi pour prétendre que ces différences n'emportent pas hiérarchisation[réf. nécessaire]. Morrison se décrit lui-même, de sang froid, comme "a natural leader" ("un meneur-né", dans le poème autobiographique As I Look Back). Orateur remarquable, Morrison sait qu'il fait partie u'il faisait fausse route et qu'il s'était illusionné sur l'intensité de la rébellion exprimée par le Flower Power. La lucidité désabusée qu'exprime The Soft Parade, écrite au début de l'année 1968, ne manque pas de surprendre, et l'on comprend la prudence de Morrison par rapport non seulement aux autorités en place, mais aussi par rapport au mouvement hippie.